Courrier à Olivier Faure

Monsieur le Premier secrétaire, 

Copie aux membres du groupe parlementaire Socialistes et apparentés 

Une urgence dans l’actualité des débats pour les élections européennes me tourne vers vous. Mais d’abord un rappel. La campagne électorale bat son plein et chacun, comme c’est bien normal, présente des arguments en faveur de ses propositions et contre celles de ses concurrents. Nous aurions pu mener ensemble cette bataille et aller chercher la victoire face à l’extrême-droite. Cela serait le cas aujourd’hui si vous, comme les écologistes et les communistes, aviez accepté l’idée d’une liste unie de la NUPES que nous proposions, nous, insoumis, en offrant de renoncer à la tête de cette liste pour nous-mêmes. Le Parti socialiste en a décidé autrement, et a ensuite déclaré un « moratoire » sur la NUPES, sans qu’il ne soit précisé les raisons de ce moratoire, sa durée, ou les éventuelles conditions pour sa levée. Nous sommes donc restés dans le flou le plus total au moment de la désignation de Raphaël Glucksmann comme tête de liste du Parti socialiste pour l’élection européenne. 

À présent, j’en viens à l’actualité qui motive ce courrier dans ce contexte. Plusieurs déclarations récentes de votre candidat m’interpellent comme responsable du programme de La France insoumise ayant participé aux négociations, en mai 2022, du programme partagé de la NUPES. Sur la base de ce document d’engagements longuement négocié, les électeurs ont porté à l’Assemblée nationale 151 députés. Pourtant, au cours de l’émission « Dimanche en Politique » du 12 mai 2024, interrogé sur la retraite à 60 ans, M. Glucksmann répond que « ça ne sera pas 60 ans universel ». Alors que chez les plus pauvres, un homme sur quatre est mort à 62 ans, doit-on comprendre que certains d’entre eux seront sacrifiés ? La retraite à 60 ans est un droit que des millions de manifestants revendiquaient l’an dernier. Cette mesure est d’ailleurs plébiscitée par 7 Français sur 10. La déclaration de M. Glucksmann est par ailleurs évidemment contraire au programme que nous avons conçu et signé ensemble sur ce point. Pour rappel, celui-ci prévoit de « restaurer le droit à la retraite à 60 ans à taux plein pour toutes et tous après quarante annuités de cotisation avec une attention particulière pour les carrières longues, discontinues et les métiers pénibles ». La position du Parti socialiste a-t-elle changé ? Doit-on comprendre de cette déclaration un retour aux positions du Parti socialiste antérieures à la NUPES ? Je vous rappelle encore notre déclaration commune d’il y a moins d’un an. À l’issue du plus grand mouvement social de ces dernières décennies contre la retraite à 64 ans, nos groupes parlementaires ont signé la déclaration dite « serment du 8 juin 2023 ». Nous y réaffirmions « un objectif commun avec le droit à la retraite à 60 ans. »

Dans la même émission, votre tête de liste s’est ensuite opposée à toute sortie du marché européen de l’énergie. Il a utilisé l’argument spécieux de la Commission européenne, confondant la mise en concurrence au niveau européen et les interconnexions européennes, qui existent depuis les années 1960. Pourtant, ce marché est l’un des coupables de la souffrance de masse dans notre pays. Un Français sur deux a du mal à payer ses factures d’énergie, et deux sur trois baissent ou coupent le chauffage, faute de pouvoir le payer, à cause des prix que le marché fait s’envoler. Là encore, je me permets de relever qu’il s’agit d’une position strictement contradictoire avec notre programme partagé. En effet, celui-ci revendique de « refuser la libéralisation du gaz et de l’électricité » qui est la conséquence du marché européen de l’énergie. D’ailleurs, le chapitre du programme sur l’Union européenne cite explicitement le domaine de l’énergie comme exemple des domaines où une désobéissance – ou une dérogation temporaire – aux règles européennes serait nécessaire. C’est ce qu’ont fait, avec raison, l’Espagne et le Portugal.

Devant ces deux prises de distance majeures de Raphaël Glucksmann, candidat du Parti socialiste aux élections européennes, avec le programme partagé, je me vois obligée de vous poser la question : le PS a-t-il décidé de liquider le programme partagé de la NUPES et son orientation de rupture ? Est-ce ainsi qu’il faut finalement comprendre le « moratoire » décrété par le Conseil national du Parti socialiste, puis ce choix de tête de liste ? Est-ce un retour en force de la ligne libérale qui fut celle de François Hollande ? Ou, pour le dire simplement, la « gauche molle » avec laquelle vous aviez juré avoir rompu en 2022 est-elle à nouveau à la tête du Parti socialiste ? Comme responsable du travail programmatique à La France insoumise, et n’ayant économisé ni mon énergie, ni mon enthousiasme pour obtenir un programme partagé ambitieux pour la NUPES, je me pose ces questions avec la plus vive inquiétude. Je crois, aujourd’hui comme toujours, à l’importance d’un vote informé par les positions programmatiques des uns et des autres. Manon Aubry, tête de liste insoumise pour l’élection du 9 juin a dit clairement sa fidélité à notre programme partagé. Qu’en est-il du Parti socialiste ? Quel crédit doit-on donner à votre signature sur un programme ? 

Dans l’attente de votre réponse, 

Et avec l’espoir d’en avoir une, contrairement aux deux précédents courriers que le coordinateur de notre mouvement Manuel Bompard vous avait adressés, 

Clémence Guetté 

Députée du Val-de-Marne 

Responsable du programme de la France insoumise








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