Eau potable en Île-de-France : à nous de choisir !



Je prends quelques minutes pour vous parler de la question de l’eau. C’est un dossier particulièrement important, qui m’a beaucoup occupé ces derniers mois. S’il peut sembler un peu décalé par rapport à l’actualité du moment, il recoupe des enjeux écologiques, sociaux et démocratiques majeurs.


L’eau bien commun contre les grands projets inutiles


La gestion de l’eau potable est en France une compétence des collectivités locales. Elles peuvent la gérer publiquement ou la déléguer au privé. Si un mouvement de retour à la gestion publique fort est en cours depuis une vingtaine d’années, la moitié de la population française n’en bénéficie pas. 

C’est notamment le cas pour pour plus du tiers des Franciliens, 4 millions de personnes sur 135 communes, qui appartiennent au Syndicat des eaux d’Ile-de-France (SEDIF). Cet organisme délègue depuis 1923, soit 100 ans, la gestion de l’eau à la même entreprise, Veolia. 

Le SEDIF veut nous imposer un grand projet inutile pour trois de ses usines dans la région : l’osmose inverse basse pression (OIBP). Il s’agit de produire de l’eau prétendument “pure” : c’est l’enjeu dont je veux vous parler. 

D’abord : comment cela fonctionne-t-il ? Avec la filtration membranaire ultra-fine, cette technologie élimine tous les micropolluants qui pourraient être présents dans l’eau que nous consommons. Cette technique sert initialement à désaliniser l’eau de mer. L’absurdité de cette méthode est telle que l’eau produite est tellement pure qu’elle devra ensuite être mélangée avec de l’eau non-issue de la filière OIBP pour être effectivement potable. 

L’enjeu est d’abord social, car l’eau va coûter plus cher pour les usagers. C’est une inversion du principe pollueur-payeur : c’est l’usager, victime de la pollution, qui devient le payeur pour la dépollution. Le porteur du projet prétend que les usagers feront des économies en abandonnant la consommation d’eau en bouteille… une affirmation qu’aucune donnée sérieuse ne prouve. 

L’enjeu est aussi écologique. Ce dispositif engendrera une hausse des prélèvements d’eau et une surconsommation d’électricité dans les usines, +55% d’électricité consommée selon le SEDIF lui-même, jusqu’à +200% selon les estimations d’élus et d’associations, à l’heure où la sobriété énergétique est une urgence. De plus, il génère un concentrat, contenant l’ensemble des polluants retenus par l’OIBP, estimé à un volume de l’ordre de 15% de l’eau prélevée. Selon l’actuel projet du SEDIF, il sera rejeté dans la Seine, avec un volume quotidien de 50 000 m3, l’équivalent de 50 piscines olympiques, pour chaque usine. Jusqu’à 10 fois plus concentré en éléments indésirables que les eaux superficielles dans lesquelles l’eau a été prélevé initialement, il touchera notamment l’habitat de plusieurs espèces rares, la biodiversité locale et aura une conséquence importante pour tous les autres producteurs d’eau situés en aval des rejets, les obligeant ainsi à renforcer leurs propres traitements. 


Notre combat pour l’eau bien commun


Ce croisement des urgences écologiques et sociales est la raison pour laquelle notre mouvement a pris à bras le corps la question de l’eau depuis de nombreuses années. Lors des campagnes présidentielles 2017 et 2022, nous avons à chaque fois publié des livrets détaillant sur plusieurs dizaines de pages nos propositions pour l’eau. Jean-Luc Mélenchon avait d’ailleurs débuté sa campagne par un meeting en ligne sur la question de l’eau. 

En 2021, la France insoumise avait mené une votation pour la constitutionnalisation du droit à l’eau et à l’assainissement, tandis que ma collègue Mathilde Panot présidait une commission d’enquête parlementaire sur la mainmise des intérêts privés sur la ressource en eau et ses conséquences. Il y a plus de dix ans, mon collègue Gabriel Amard, pionnier de notre combat pour l’eau bien commun, faisait sortir plusieurs communes de l’Essonne du SEDIF et y mettait en place la gratuité des compteurs et des mètres cubes d’eau indispensables à la survie ainsi que des tarifs différenciées selon les usages.


Pour un vrai débat public sur l’OIBP


Cette année, le projet “d’eau ultra-pure” porté par le SEDIF a donné lieu à l’organisation d’une consultation par la commission nationale du débat public (CNDP). Si ce type de procédure (faute de moyens suffisants accordés à la CNDP) est à des années-lumières de l’implication massive du peuple que nous souhaitons mettre en oeuvre, il m’a semblé important de m’appuyer sur sa mise en place pour permettre l’existence d’un réel débat. J’ai ainsi sollicité tous les députés d’Île-de-France afin qu’ils appuient l’organisation de réunions publiques sur le sujet dans les communes de leur circonscription. J’ai également proposé à la France insoumise de mettre à disposition un tract, qui a permis aux insoumis de comprendre et faire connaître cet enjeu dans leur ville

Enfin, j’ai déposé, avec des députés de tous les groupes de la NUPES élus en Île-de-France, une proposition de résolution pour une gestion de l’eau au service des citoyens et respectueuse de l’environnement. Les 37 députés signataires, conformément à notre programme partagé de gouvernement, y proposent que l’Assemblée nationale affirme son attachement à la préservation et la reconstitution du cycle de l’eau, de la qualité écologique et chimique des masses d’eau, soutienne le déploiement et le renforcement de la gestion publique, locale et citoyenne de l’eau, défende des solutions de gestion équilibrée de la ressource en eau et s’oppose à l’augmentation des prélèvements par la fuite en avant technologique inutile et dangereuse symbolisée par l’osmose inverse basse pression.

Cette proposition de résolution, tout comme les autres actions que j’ai menées, ont été préparées grâce à des échanges avec des responsables du débat public, des citoyens mobilisés, des militants insoumis du groupe thématique “Eau bien commun”, ainsi qu’avec Olivier Faure, dont la mobilisation avec les élus locaux de sa circonscription avait permis l’abandon du premier projet d’osmose inverse basse pression à Arvigny (Seine-et-Marne).


Poursuivre la mobilisation


La mobilisation à laquelle nous sommes nombreux à avoir participé, et qui doit beaucoup aux associations mobilisées au sein de la Coordination Eau Île-de-France, a porté ses fruits. Partout dans la région, les réunions publiques à l’initiative des collectivités et associations se sont multipliées. À Saint-Denis, des citoyens ont organisé une manifestation devant la mairie pour demander le passage en régie publique et l’abandon de l’OIBP. 

Les procédures actuelles de démocratie dite “participative”, ne sont cependant pas à la hauteur de l’enjeu : rien n’impose au SEDIF de tenir compte de l’avis et des arguments des citoyens.

Cependant, la mobilisation construite est un point d’appui qui devra s’élargir ces prochains mois. Alors que l’eau fait la Une des journaux, entre sécheresse, pénuries et événements météorologiques extrêmes, son combat pour une gestion publique et raisonnée est l’un des angles de la bataille politique que nous devons continuer à mener.  

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