L’Institut La Boétie, au service de l’hégémonie culturelle

Aujourd’hui, nous lancions lors d’une séance inaugurale exceptionnelle l’Institut La Boétie, au service de notre bataille culturelle. Nous commençons ce jour l’écriture d’une nouvelle page de l’histoire de la pensée critique.

Discours d’inauguration de l’Institut La Boétie, le 5 février 2023.

Mon discours d’introduction :

Bonjour, chers amis, chers camarades,

Je vous souhaite la bienvenue dans ce lieu qui est riche d’une longue tradition intellectuelle.

C’est ici, aux Cordeliers, en 1791, qu’a été rédigée l’adresse à l’Assemblée nationale qui a amené le peuple français à abolir la monarchie. 

Les siècles précédents, c’était un lieu qui accueillait une immense bibliothèque, avec des moines de toute l’Europe qui venaient y parfaire leur formation, notamment philosophique.

Je dois vous dire ma fierté d’inscrire notre séance inaugurale dans les pas des Cordeliers, des idées nouvelles qui ont émergées et qui ont été débattues ici. 

Plus de deux siècles plus tard, nous souhaitons faire de l’Institut La Boétie un outil du renouveau de la pensée critique, au service du camp de l’émancipation et du progrès.

La Boétie écrivait dans son “Discours de la servitude volontaire”« Nul être ne peut être retenu en servitude, et rien au monde n’est plus contraire à la nature que l’injustice ». 

Comme La Boétie blâmait l’acte volontaire d’accepter la domination des puissants et de se soumettre aux tyrans, nous nous donnons comme objectif de susciter l’acte, tout aussi volontaire, de s’insoumettre, et donc, de se libérer.

La Fondation La Boétie est un lieu de réflexion et d’éducation populaire, qui accueille à bras ouverts les universitaires, les écrivains, les professeurs, les artistes, les experts et les amateurs éclairés qui se reconnaissent dans la pensée de l’insoumission. 

Nous allons offrir ce lieu comme un lieu de dialogue, d’échange, de connexion avec le monde politique et militant, un lieu qui nous a beaucoup manqué, je crois, d’un côté comme de l’autre. Parce que la vieille gauche s’était éloignée des artistes et des intellectuels. J’aimerais que ce jour soit celui du retour de ce chaînon manquant. 

Depuis plus de dix ans désormais, avec Jean-Luc Mélenchon et avec d’autres, nous avons ressuscité l’espoir d’un autre monde, d’une alternative politique concrète. Elle avait été abîmée par les échecs des uns, et les trahisons des autres. L’éducation populaire des masses avait souffert, et presque disparu, tant du point de vue de la réflexion de haut niveau, que de celui de la formation. 

L’insoumission c’est d’abord un acte personnel : celui par lequel on se lève contre les dominations, les ordres injustes, les évidences obscurantistes ; par lequel on décide d’agir pour construire le collectif, l’entraide, l’égalité, l’harmonie avec la nature et la libre disposition de soi.

On trouve des insoumis bien au-delà du champ politique entendu au sens classique, et donc bien au-delà de la France insoumise. Le monde intellectuel et artistique en est plein : ce sont leurs œuvres et leurs idées qui contribuent à nous éclairer sur les problèmes de l’époque, qui forment notre conscience et notre sensibilité.

C’est à tous ces insoumis de pensée, à ceux qui s’inscrivent dans le fil de cet idéal humaniste et se reconnaissent dans la famille intellectuelle des socialistes, des anarchistes, des féministes, des antiracistes, des écologistes, des communistes que je m’adresse aujourd’hui. 

La bataille politique que nous menons pour construire un autre monde a besoin de vous. Elle a besoin que s’affermissent les liens que nous avons commencé à tisser lors du travail programmatique des campagnes menées ou dans le Parlement de l’Union populaire. Nous devons donc construire ensemble des liens ambitieux et respectueux du rôle de chacun. 

C’est la nouvelle étape d’un long combat pour construire pied à pied une nouvelle hégémonie et enraciner notre vision d’un autre monde possible. Mais aussi faire s’épanouir milles idées nouvelles. 

Nous ne nous satisferons jamais des synthèses grammaticales et des accords de coin de table : nous ferons naître d’un même mouvement une pensée et une pratique nouvelle, quand tant d’autres se sont coupés du mouvement réel du monde.

Avec l’Institut la Boétie, ses départements, son école de formation et notamment son cursus renforcé, nous voulons renouer avec une longue tradition, qui a fait la fierté de la classe ouvrière et des mondes populaires.

Le projet ne date pas d’aujourd’hui. Ce n’est pas une lubie du moment. ça fait maintenant quelques années que nous y travaillons avec Jean-Luc Mélenchon, Bernard Pignerol et d’autres militantes et militants de l’ombre qui se reconnaîtront, et que j’aimerais que vous applaudissiez parce que nous leur devons beaucoup. Je veux aussi adresser des remerciements particuliers à Manuel Menal, secrétaire général de l’Institut la Boétie, pour l’immense travail qu’il a accompli. Et on peut l’applaudir aussi.

Cette journée prend place dans un moment particulier de l’histoire du peuple français. Puisque ce mardi, près de 3 millions de personnes étaient dans les rues, pour une immense démonstration de force populaire, la plus importante depuis 1995. Avec des femmes et des hommes, retraités, chômeurs, travailleurs et étudiants qui, pour beaucoup, marchaient pour la première fois. 

Ce n’est pas que de retraites qu’il s’agit. Il y a aussi une forte détermination féministe qui a poussé dans les défilés celles qui ont compris qu’elles seraient les grandes perdantes. Ou encore, la conscience écologiste, qui est au cœur des mobilisations de la jeunesse pour une vie digne sur une planète vivable. 

Mais encore, tout ensemble, les fins de mois impossibles, les prix qui explosent, les riches qui se gavent, la démocratie piétinée. Nous sommes des millions à vouloir tourner la page de « Macron et son monde ». C’est ainsi que les gilets jaunes nommaient l’adversaire. 

« Non à Macron et son monde ». Le slogan a ressurgi sur les pancartes cet hiver. 


L’Institut La Boétie s’inscrit dans cette actualité immédiate. Être dans le mouvement populaire, forger des armes pour qu’il atteigne ses objectifs immédiats mais aussi, élargir ses perspectives, éclairer les chemins vers d’autres mondes possibles. Nous avons donc organisé nos deux premiers événements publics, publié nos premières notes et des argumentaires sur ces sujets : la réforme des retraites et l’inflation. Nous avons aussi mis nos ressources à disposition du mouvement insoumis pour permettre la tenue des premiers cafés populaires qui fait œuvre d’éducation populaire sur ce sujet partout dans le pays.

Notre fondation est au service de la construction intellectuelle du monde d’après. “Le monde d’après” : on a beaucoup entendu cette expression pendant la crise sanitaire, comme un espoir, un peu idéaliste, que quelque chose de nouveau allait surgir subitement.

Nous croyons, nous, que le monde d’après se construit pas à pas, qu’il ne viendra que de notre travail patient et déterminé dans tous les secteurs de l’action politique, du lent processus par lequel on convainc d’abord de l’idée, puis de devenir soi-même un acteur du combat pour cette idée. 

Construire le monde d’après, c’est s’atteler à rapprocher celles et ceux qu’Alexandra Kollontaï appelait « la grande famille universelle ouvrière ». 

Artistes, intellectuels, professeurs qui partagez avec nous l’humanisme global, la critique radicale du capitalisme et la planification écologique : vous êtes cette famille universelle qui se retrouve ici, en ces lieux, pour bâtir le monde d’après. 

Alors, nous ne partons pas de rien. Dans cette salle, il y a beaucoup de visages connus, ça commence à faire quelques années que nous marchons ensemble. Parfois avec une, deux ou trois casquettes.

Désormais, l’Institut va nous permettre d’organiser sérieusement ce qui doit l’être, avec le souci constant de garantir une liberté intellectuelle totale. Pour y arriver, notre travail s’organise en départements, qui vont être animés par des binômes, que je vais vous présenter tout à l’heure, et qui rassemblent, j’oserais dire, des universitaires militants et des militants universitaires. 

On pense par exemple, qu’à l’heure où l’alliance des milliards et de la réaction projette dans nos cinémas une propagande antirépublicaine sans pareille, il est vital de faire vivre une historiographie progressiste de la Révolution française. 

De l’histoire, à la philosophie, en passant par la sociologie : nous voulons, et nous devons, investir tous les champs de la pensée.

Alors, que vont faire ces départements ? Eh bien, une réponse simple : ce qu’ils veulent. 

Ils peuvent publier des notes, des actes, des essais, des revues, des podcasts, des vidéos. Ils vont organiser des colloques, des tables-rondes, séminaires, auditions. Tout est à inventer. Tout est à faire. L’objectif : c’est d’élever les consciences, de contribuer à la bataille des idées. Nous leur faisons donc confiance pour trouver, à chaque fois, le meilleur angle et les meilleurs outils.

Chaque département va attribuer une chaire à une ou un intellectuel de haut rang dont les travaux nous semblent devoir être mieux connus du monde politique et du grand public. Et vous allez voir, que nous avons déjà de beaux projets.

Il y aura aussi des laboratoires, qui vont être rattachés à l’un des départements ou à plusieurs d’entre eux. Avec les premiers qui se mettent déjà en place : ils seront par exemple consacrés aux études électorales, aux inégalités, à l’observation des révolutions citoyennes ou encore à la lutte contre l’extrême droite. D’autres vont s’ajouter chemin faisant, puisqu’on est attachés à cette forme d’organisation souple, évolutive.

Les départements vont travailler main dans la main : bien souvent, leurs sujets de recherche seront communs, comme sur les retraites où histoire, économie et relations internationales ont déjà travaillé déjà ensemble. C’est au sein du conseil d’orientation qu’ils vont se réunir pour définir ces axes communs. 

Axes qui seront également discutés par les contributions et les retours d’un conseil scientifique, qui va regrouper des universitaires, des intellectuels, des hauts fonctionnaires qui ont bien voulu jouer ce rôle de garant du cadre et de la méthode. Bernard Pignerol, président fondateur de l’Institut La Boétie, va vous en présenter les contours tout à l’heure.

C’est grâce aux idées de chaque département, et des pistes et directions de recherche suggérées par le conseil scientifique, que le conseil d’orientation va bâtir le programme de recherche de l’Institut.

Nous avons pour ambition de traiter des grands enjeux de notre famille politique : 

-ceux qui sont issus du champ de la recherche et qui doivent instruire le champ politique ; 

-ceux qui font débat dans le champ politique, y compris dans notre famille, et qu’il s’agit d’affronter positivement, en les instruisant sur le plan intellectuel ; 

-ou ceux qu’il nous semble nécessaires de mettre à l’ordre du jour du débat public.

Les recherches et les productions de l’Institut assument un objectif politique : celles d’influer sur le débat public et sur les consciences. C’est pourquoi nous les mettrons à disposition de toutes et tous, et notamment du mouvement insoumis, qui pourra se saisir et s’inspirer de nos travaux et préconisations.

Une école de formation vient compléter le dispositif, Antoine Salles-Papou et Danièle Obono vont nous le présenter par la suite. C’est un outil essentiel d’éducation populaire, qui s’adresse tant aux militants insoumis, qu’au plus grand nombre. Nous allons déployer son action partout dans les pays, avec des formations qui ont vocation à être accessibles à toutes et tous. Ce sera le cas grâce aux cafés populaires que j’évoquais plus haut ; ou encore avec les formations en ligne. Et pour les insoumis, un cursus renforcé, dont la première promotion s’est réunie pour la première fois le weekend dernier – certains sont dans la salle – avec des participants aux profils extrêmement divers. C’est une belle promesse pour l’avenir.

Notre fondation va aussi investir le champ des arts et de la culture, avec une Académie insoumise qui va réunir des écrivains, des éditeurs, des cinéastes, des comédiens, et d’autres. 

Cette académie décernera chaque année des prix littéraires, cinématographiques ou de théâtre, pour récompenser celles et ceux dont les œuvres et productions participent à forger les consciences. 

L’académie aura aussi la tâche d’ouvrir et d’entretenir un dictionnaire insoumis qui va recenser les mots et les définitions utiles à notre compréhension du monde tout comme à notre volonté de le transformer. 

Vous le voyez, nos objectifs sont ambitieux. Et encore : je ne vous révèle pas tout de ce sur quoi on réfléchit, on travaille. 

Je dois vous dire à quel point je suis honorée d’avoir la charge de fonder cet édifice dont je suis persuadée qu’il connaîtra une longue vie, et qu’il sera décisif pour les batailles à venir. Je suis évidemment honorée de le faire aux côtés de Jean-Luc Mélenchon, qui a choisi d’y projeter sa légitimité, son autorité pour permettre sa mise en place. 

Je suis honorée de le faire aux côtés de vous toutes, ici, qui participez à ce moment. J’ai vu dans la salle des dizaines de personnes dont la modestie empêchera de dire à quel point leurs travaux sont reconnus, et sur qui je sais pouvoir compter pour la suite

Merci encore à toutes et tous pour votre présence, et longue vie à l’institut La Boétie ! 

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