Mardi soir, Emmanuel Macron a passé plus de trois heures sur un plateau de télévision. Il s’est livré à l’une de ses mises en scène habituelles, sans rien annoncer pour répondre à l’urgence industrielle, sociale et écologique du pays : ni nationalisation d’ArcelorMittal, ni abrogation de la réforme des retraites, ni arrêt du libre échange. J’imagine que beaucoup d’entre vous n’ont pas regardé jusqu’au bout, moi non plus d’ailleurs. Je profite quand même du trajet pour Cléon en Normandie où je vais soutenir les salariés de Renault, pour vous expliquer comment, au détour d’une phrase, le président des riches prépare l’augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
Quand le Medef murmure à l’oreille du président.
Son prétexte : “notre modèle social repose beaucoup trop sur le travail”. Cette idée n’est pas très originale et vient tout droit du programme du Medef. Son président, Patrick Martin, le défendait encore en novembre dernier. Le patronat, au motif de la sacro-sainte “compétitivité”, a fait de ce qu’il appelle “la baisse du coût du travail” son cheval de bataille. Traduction : les patrons payeraient trop de cotisations pour financer la sécurité sociale, il faudrait faire autrement. Comment ? En finançant les retraites, l’assurance maladie, et l’assurance chômage grâce à une augmentation de la TVA. Cette brillante idée porte un nom : c’est la TVA sociale. Elle a déjà été mise en place en France. Nicolas Sarkozy déplorait l’avoir instaurée trop tardivement et Hollande l’avait fait aussi pour financer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Les hausses de TVA compensent les cadeaux faits aux plus riches par les politiques néolibérales mises en place depuis plus de 40 ans. Les exonérations en tout genre accordées aux patrons, c’est aujourd’hui un trou de 80 milliards dans les caisses des travailleurs ! Et à la fin, c’est vous qui payez.
Les 3 mensonges du patronat pour défendre la TVA sociale.
Mais ce n’est pas tout : les arguments sur lesquels se base toute cette rhétorique des patrons et que le président reprend à son compte sont aussi complètement faux.
- Notre modèle social ne repose pas trop sur le travail ! Le journal Libération révèle qu’en 2023, les cotisations ne couvraient qu’un peu plus de 50% du montant total des sommes consacrées à la protection sociale. Elles ont été ratiboisées sans cesse depuis des dizaines d’années. Il y a 44 ans, c’était encore près de 80%. Il s’agit ni plus ni moins d’organiser méthodiquement la perte de contrôle des travailleurs sur la Sécurité sociale à travers la baisse progressive de la part des cotisations dans son financement. En 1945, la Sociale était pensée pour être alimentée par des financements distincts de ceux de l’État, par des cotisations et non des taxes. Cela devait permettre aux représentants élus de celles et ceux qui cotisent de contrôler directement son fonctionnement. Plus les cotisations baissent, plus ce pouvoir délégué aux travailleurs diminue et avec, le rapport de force avec le patronat.
- Notre pays taxe déjà plus la consommation que les autres. Je vous explique. La TVA, c’est “un impôt général sur la consommation qui est directement facturé aux clients sur les biens qu’ils consomment ou les services qu’ils utilisent en France”. En bref : dès que vous achetez quelque chose en France, vous payez un impôt. Le patronat justifie l’augmentation de la TVA sous prétexte que la France, par rapport à ses voisins européens, ne taxerait pas suffisamment la consommation. C’est encore un mensonge que n’a pas manqué de répéter le président à la télévision mardi. Certes, le taux de TVA français est inférieur à la moyenne européenne. Mais, la TVA n’est pas le seul impôt sur la consommation ! Il y en a tout un tas d’autres : sur le tabac, l’alcool ou les assurances par exemple. Et quand on regarde dans le détail, on observe que la France ne taxe pas moins que les autres, mais plus ! La moyenne de la zone euro est à 10,3% du PIB, en Allemagne c’est 9,4%, et on est déjà 11,3% en France !
- Mais surtout, la TVA finance déjà la Sécurité sociale. Près de 25% de ses recettes nationales en sont issues pour compenser les divers cadeaux qu’Emmanuel Macron fait aux ultra riches !
Avec Macron, ce sont toujours les mêmes qui trinquent !
Vous vous en doutez, non seulement cette idée repose sur des prémisses fallacieuses, mais elle est surtout extrêmement dangereuse. Pas pour les Bernard Arnault de ce pays que Macron protège depuis 8 ans sans relâche, mais pour la majorité des Français. La TVA est un impôt injuste et très peu redistributif. Pourquoi ? Parce que tout le monde paye la même chose. Ce n’est pas un impôt progressif, pour lequel les riches paient un taux plus élevé, comme l’impôt sur le revenu. Mécaniquement, celles et ceux qui gagnent le moins y consacrent une plus grande part de leur budget que celles et ceux qui gagnent le plus. Des économistes qui travaillent sur le sujet ont montré que les 10% des plus pauvres y consacrent plus de 20%, contre moins de 10% pour les 10% des plus riches. Cet impôt est donc profondément inégalitaire. Je vous invite à consulter la note produite par le département d’économie de l’Institut la Boétie sur le sujet.
Macron refuse de taxer de 2% le patrimoine des ultra-riches, ce qui rapporterait près de 15 milliards d’euros, mais préfère augmenter la TVA, ce qui rapporterait 11 milliards selon les Echos, donc moins. L’injustice fiscale continue, et s’accroît. En France, alors qu’un parent sur trois se prive de manger pour nourrir ses enfants, la macronie s’apprête à augmenter l’impôt le plus inégalitaire qui existe.
Elle trouvera des insoumises et des insoumis sur son passage. Nous mènerons bataille pour empêcher ce nouveau matraquage social. Une fois au pouvoir, nous ferons la révolution fiscale. Nous rendrons la TVA plus égalitaire en la baissant sur les produits de première nécessité. Pour que ça ne crée pas de déficit, nous instaurerons une “TVA grand luxe” sur les yachts ou les jets privés. Après tout, ils peuvent se le permettre, non ?