La semaine dernière, l’Assemblée nationale a voté pour la suppression des « zones à faibles émissions » (ZFE), mises en place en 2019. Cette décision est une victoire pour notre camp. Depuis ce vote, certains tentent de propager l’idée que la France insoumise s’est rangée du côté de la gauche qui ne “défend pas l’écologie”. Je leur donne un point : notre vision de l’écologie diffère fondamentalement de celle de ceux qui ne savent pas vraiment si l’écologie doit être anticapitaliste. Je profite donc de ce week-end d’accalmie dans l’agenda parlementaire pour revenir sur l’importance de ce vote dans notre combat pour une écologie populaire.
Les ZFE ou la ségrégation sociale
D’abord, il faut bien décrypter l’acronyme « ZFE ». Derrière ces trois lettres se cache une mesure visant à délimiter des zones urbaines où la circulation des véhicules les plus émetteurs de particules fines est interdite, dans le but de réduire la pollution atmosphérique. En pratique, cela signifie qu’un automobiliste conduisant une vieille Clio diesel de plus de 20 ans se verra refuser l’accès à ces zones, contrairement au propriétaire d’un SUV hybride flambant neuf.
L’objectif de lutter contre les particules fines, responsables de 40 000 décès annuels en France, est fondamental. Mais cette mesure n’est pas adaptée. D’abord parce qu’elle est profondément inégalitaire. C’est d’ailleurs l’avis de la grande majorité des Français, comme le révèle un rapport du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale sur l’impact de la transition écologique. En effet, 74 % d’entre eux estiment que cette mesure est injuste.
Comme à son habitude et depuis huit ans, le gouvernement Macron préfère demander des efforts à la majorité du peuple Français plutôt qu’à celles et ceux qui profitent le plus du système. Le même rapport montre que seulement 7,4 % des plus modestes peuvent s’offrir une voiture neuve, donc moins polluante. Ce chiffre est près de quatre fois inférieur à celui des plus aisés, dont la moitié achète des voitures de moins de cinq ans. À l’inverse, 60 % des ménages modestes se tournent vers des voitures d’occasion de plus de 10 ans.
Les ZFE ne font qu’aggraver les inégalités sociales en réservant, en dehors des transports collectifs, l’accès à la ville aux plus riches, excluant ceux qui ne peuvent pas se permettre des véhicules moins polluants. C’est une mesure injuste qui fait porter le poids de la pollution aux plus pauvres, alors qu’ils en sont les moins responsables ! Selon Oxfam, les 10 % les plus riches sont responsables d’un quart des émissions en France. Ils en sont aussi les premières victimes. Un rapport d’UNICEF France et du Réseau action climat a clairement montré que “la pauvreté augmente la vulnérabilité des enfants à la pollution de l’air”. Mais les exclure ou faire reposer l’effort sur eux uniquement ne peut être la réponse adéquate. Depuis 2019, nous sommes donc les seuls à refuser cette mesure de ségrégation sociale qui ne prévoit et ne planifie aucune alternative viable pour celles et ceux qui se verraient privés de moyens de transport.
Quand l’hôpital se moque de la charité
Depuis cette victoire, les macronistes, déjà condamnés à deux reprises pour inaction climatique, ont lancé une vaste campagne de communication pour nous accuser de cynisme, de déni, de démagogie et de lâcheté. Franchement, ils se moquent du monde. Tout d’abord, parce qu’ils n’ont rien fait pour aider les 15 millions de Français en situation de précarité de mobilité à se déplacer. Pire, ils ont aggravé la situation, avec une augmentation de 2 millions de personnes concernées depuis 2021.
Ensuite, parce que la cure d’austérité imposée par le gouvernement illégitime de Bayrou, sauvé par le Rassemblement national et les socialistes grâce au 49.3, a drastiquement réduit les aides pour l’achat de véhicules électriques. Les plus modestes, qui pouvaient bénéficier de 7000 euros, n’ont désormais plus que 4000 euros. Même constat pour les personnes ayant des revenus intermédiaires, dont les aides ont été réduites de 1000 euros.
Mais cela ne s’arrête pas là. La bifurcation écologique des transports, secteur qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre en France, ne peut pas se limiter au remplacement des véhicules thermiques par des véhicules électriques. Il est impératif d’organiser le déploiement massif des transports collectifs dans chaque ville, dans chaque village et pour les relier entre eux. Il faut reconstruire le maillage des transports collectifs partout : dans les quartiers populaires, les départements ruraux et les Outre-mer. Mais, Macron a plutôt orchestré le “tout-voiture” et la destruction et la privatisation de la Société Nationale des Chemins de fer Français (SNCF). Dès 2015, alors qu’il était ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, il a commencé à démanteler le réseau ferroviaire avec l’introduction des “cars Macron”, qui concurrencent directement les trains. Ainsi, en 2017, la libéralisation des cars privés coûtait encore 26 millions d’euros à l’État et avait fait perdre 67 millions d’euros à la SNCF.
En macronie, on interdit donc aux plus pauvres qui ont les voitures les plus polluantes d’entrer en ville, mais on ne fait rien pour interdire ou taxer les jets privés et les yachts. Pourtant, les premiers consomment en une heure autant de carburant que 400 voitures, et les seconds sont la cause de la majorité des émissions de gaz à effet de serre des milliardaires.
Une planification au service de l’écologie populaire
La planification doit être au service d’une écologie populaire. Depuis 2022, nous nous battons pour l’instauration d’un moratoire (ZFE). Ce moratoire doit être conditionné au développement d’alternatives viables à la voiture individuelle. Nous exigeons des transports collectifs massifs, accessibles à tous, qui permettent à chacun de se déplacer librement et dignement.
Nous refusons catégoriquement les injonctions déconnectées des réalités quotidiennes de la majorité des Français. Ces mesures ne font qu’ajouter une violence sociale insupportable à leur quotidien. Nous défendons une bifurcation écologique qui ne se fait pas sur le dos des plus pauvres, mais qui, au contraire, met à contribution celles et ceux qui se gavent.
Demain, nous construirons un pôle public des transports et de la mobilité. Nous renationaliserons la SNCF pour la remettre au service de l’intérêt général. Nous développerons les transports publics dans les zones rurales et périurbaines où ils sont aujourd’hui absents, et nous les massifierons dans les zones urbaines où ils existent déjà.
J’invite, celles et ceux qui veulent donner des leçons d’écologie à co-signer et voter la motion de censure déposée par ma camarade Aurélie Trouvé pour faire tomber un gouvernement qui a réintroduit en force les pesticides et les mégabassines dans l’agriculture française grâce à un 49.3 déguisé.