En ce mois d’avril 2024, l’Assemblée nationale est calme, très calme. Les semaines s’enchaînent : très peu de projets de loi consistants sont à l’ordre du jour. La plupart d’entre eux ne concernent aucune urgence réelle du pays : rien n’est débattu pour augmenter les salaires, organiser la bifurcation écologique ou faire face à la pauvreté de masse.
Au 1er avril se terminait la trêve hivernale : 140 000 personnes se retrouvent menacées d’expulsion cette année. C’est 23% de plus qu’il y a deux ans. Mais le gouvernement ne daigne pas proposer la moindre loi pour y faire face.
Les pires horreurs passent par décrets
Le gouvernement pense-t-il que tout va bien ? Ne sait-il pas que les salaires réels moyens ont baissé de 2,8 % entre l’été 2022 et l’été 2023 ? Ignore-t-il que deux personnes meurent au travail chaque jour dans notre pays ? Personne ne lui a-t-il indiqué que les femmes gagnent toujours 24 % de moins que les hommes en moyenne ?
Le gouvernement fait volontairement diversion : ses pires horreurs passent par décrets, nouvelle modalité gouvernementale ordinaire de la macronie évitant l’Assemblée (et le nombre limité de 49.3 à leur disposition).
C’est notamment le cas de l’austérité généralisée de 10 milliards d’euros récemment annoncée. On n’en débattra pas une seule seconde à l’Assemblée ! Pourtant, cette baisse de dépenses se traduira en postes supprimés, en écoles, gendarmeries et tribunaux fermés. Évidemment, le groupe insoumis se mobilise pour qu’on en entende parler : questions au gouvernement, débats lors des semaines de contrôle… mais cela ne pèse pas lourd dans la Ve République autoritaire.
Le programme caché de Macron et l’UE
Emmanuel Macron ne va pas s’arrêter là. Rappelez-vous de nos alertes lors de la campagne pour les élections législatives. Nous y révélions le programme caché du Président et de l’Union européenne. En mai 2022, juste après son élection, Emmanuel Macron avait reçu un courrier de la Commission de Bruxelles lui demandant de faire 80 milliards d’euros d’économies.
Voilà ce qu’on y lit : “Il est possible de réaliser d’importantes économies et d’améliorer considérablement l’efficience dans cinq domaines stratégiques, à savoir les dépenses de santé, la politique de l’emploi, les prestations sociales, le logement social et le système de retraite”. On avait alerté : voilà les secteurs où Macron va aller chercher 80 milliards d’euros. Depuis, il a mis en place la retraite à 64 ans, le doublement de la franchise sur les médicaments, baissé les aides au logement, et tant d’autres attaques antisociales.
La prochaine saignée est pour l’été
La date de la prochaine saignée est connue, elle arrivera à l’été. Le gouvernement compte s’en prendre une nouvelle fois aux personnes privées d’emploi. Depuis qu’il est à l’Élysée, ils sont sa cible préférée : durcissement des conditions d’ouverture de droits au chômage en 2019, dégressivité des allocations en 2021, réforme du salaire journalier de référence en 2021 pour faire baisser le montant de l’allocation, diminution de la durée d’indemnisation en 2023.
Les conséquences désastreuses éclatent aux yeux.
D’abord la pauvreté s’étend : deux Français sur trois ont déjà connu la situation où on a froid parce qu’on a pas les moyens d’allumer le chauffage, ou alors juste un peu. Un Français sur deux s’est déjà privé d’un repas, et un Français sur trois le fait régulièrement.
Pour ce qui est de l’emploi, la situation ne fait qu’empirer. Le nombre d’inscrits à France Travail a explosé depuis 2008 : 3,8 millions alors, 5,4 en 2024, soit 42% de hausse.
Comble de l’absurde, le gouvernement fait empirer les causes du chômage et de la précarité. Car sa politique n’a aucune utilité. En octobre 1974, un chômeur victime d’un licenciement économique recevait encore une indemnité supérieure à son dernier salaire. Pourtant, le chômage était bien plus faible qu’aujourd’hui. Une indemnité digne n’incite pas à rester au chômage. Au contraire, elle aide à repartir du bon pied, à payer les factures et les études des enfants.
Dans le même temps, la politique d’austérité du gouvernement va à l’encontre de la relance de l’économie qui remplirait le carnet de commande des entreprises. Sa retraite à 64 ans maintient sur le marché du travail des seniors qui mériteraient de profiter de leurs pensions. Enfin, l’augmentation du temps de travail empêche la création d’emplois : 14,7 % des travailleurs travaillent désormais plus de 38 heures par semaine, contre 11,5 % au 1er trimestre 2018.
Pourtant, le Premier ministre Gabriel Attal compte poursuivre dans cette voie et baisser à nouveau la durée d’indemnisation des chômeurs. Jamais cela ne sera mis à l’ordre du jour de l’Assemblée. Le gouvernement n’a qu’à envoyer une « lettre de cadrage » aux représentants des salariés et des patrons, les invitant à se mettre d’accord. Il lui suffit que l’accord n’ait pas lieu pour tout décider par décret.
Les élections européennes nous séparent de l’été. En macronie, vous l’aurez compris, on a peu d’occasions de voter. Un désaveu pour le gouvernement pourrait les faire reculer.