La semaine dernière, j’ai usé de mon droit de visite du centre pénitentiaire de Fresnes, dans la circonscription voisine de la mienne.
Je voulais prendre le temps de mettre au clair ce que j’y ai vu, et vous expliquer pourquoi j’y suis allée.
C’était ma seconde visite au centre pénitentiaire de Fresnes. La première fois, j’avais prévenu de mon arrivée, et j’avais prévu de visiter la Maison d’arrêt pour femmes.
Les bâtiments y étaient en relatif bon état, la surpopulation était moins alarmante que dans la plupart des prisons de ce pays.
Je m’étais donc engagée à y retourner, cette fois-ci pour visiter la maison d’arrêt pour hommes. 2 mois après ma première visite, et un mois après la polémique “Koh lantess”, j’y était donc ce mercredi, mais sans prévenir la direction de la prison de ma venue.
Les dimensions de la maison d’arrêt pour hommes est sans commune mesure avec celle des femmes. On parle là de près de 2000 détenus, contre quelques centaines chez les femmes.
Le lieu est prévu pour accueillir 1302 détenus. Ils sont actuellement 1790 détenus. Soit un taux d’occupation de près de 137%. Mais la situation, si elle est très préoccupante aujourd’hui, était encore bien pire avant le Covid19. Au moment de la pandémie, le nombre de détenus sur place a beaucoup diminué, par des transferts ou des aménagements de peine.
Les détenus ont le droit à 3 douches par semaine, de 10 minutes. Malgré les nouvelles normes qui imposent des douches individuelles en cellule, les travaux peinent à arriver et les douches restent collectives.
Aucune cellule n’est équipée de réfrigérateur. Le jour de notre visite, le temps était frais. Mais pendant les vagues caniculaires, peu d’aménagements ont été prévus pour rendre supportables les chaleurs extrêmes en détention. C’est une problématique majeure de réaménagement des établissements pénitentiaires qui va se poser de manière de plus en plus insistante.
J’ai également visité les quartiers d’isolement et disciplinaire, d’où il est interdit de ramener des images.
Parmi les prérogatives d’un parlementaire en visite, j’ai le droit de m’entretenir avec un détenu, y compris en demandant à ce qu’il n’y ait aucun cadre de la direction pénitentiaire présent.
J’ai rencontré un très jeune homme. Il a été incarcéré ici jeune majeur, lors de son année de terminale. Il a passé son bac en prison. Il m’a dit son envie de pouvoir se former et de travailler, et ce depuis son arrivée ici. Ça permet, me dit-il, de garder une activité quotidienne, de sortir un peu de sa cellule. Mais depuis le mois de juin, 4 mois donc, il est sur liste d’attente. Beaucoup de détenus attendent en vain d’exercer une activité, mais sont bloqués sur des listes interminables.
Il passe donc 22 heures par jour en cellule. Avant d’arriver là, il voulait faire de la comptabilité.
Il parle de son quotidien, du fait qu’il cuisinait un peu, mais que c’était compliqué sans réfrigérateur.
En partant, il me dit “J’espère que vous pourrez faire quelque chose pour tout ça”.
Le droit de visite des établissements pénitentiaires est une prérogative qui est prévue par l’article 719 du code de procédure pénale. Dans ce cadre, les parlementaires ne sont pas tenus de prévenir l’établissement de leur venue, et peuvent faire entrer des journalistes.
Revenons rapidement sur les journalistes. La détention est un monde qui suscite de nombreux fantasmes et qui revient souvent dans la discussion à l’occasion de polémiques avancées par les réactionnaires. Pour rendre compte de la situation réelle de l’autre côté des hauts murs des prisons, les journalistes n’ont que deux solutions : solliciter directement l’établissement, qui refuse quasi-systématiquement les demandes ou les borne à de rares espaces toilettés pour l’occasion ; sinon, ils font appel à des parlementaires. Je suis donc venue accompagnée de plusieurs équipes : télévision, radio, et un média indépendant en ligne.
Tout au long de la visite, nous sommes suivis de près par une directrice adjointe de la prison, la directrice de la communication du centre pénitentiaire, et plusieurs membres du personnel administratif, en plus bien sûr des gardiens qui nous permettent de circuler dans les différents lieux de plus ou moins haute sécurité.