Un procès absolument inédit.

Un procès absolument inédit.

À partir d’aujourd’hui, le ministre Eric Dupond-Moretti est jugé devant la Cour de Justice de la République pour prise illégale d’intérêt. Voilà en quoi ce procès est symptomatique d’un gouvernement qui se croit au-dessus des lois.


Qu’appelle-t-on maintenant « l’affaire Dupond-Moretti » ?

En 2013, une enquête est ouverte contre Nicolas Sarkozy, accusé d’avoir reçu un soutien financier de Kadhafi lors de sa campagne présidentielle de 2007. Dans ce cadre, Nicolas Sarkozy est mis sur écoute, ainsi que des proches à lui, et son avocat.

En 2014, le parquet national financier (PNF) ouvre une nouvelle enquête car on apprend qu’une taupe aurait révélé en 2014 à Nicolas Sarkozy sa mise sur écoute. Dans le cadre de cette nouvelle enquête, la justice examine les « fadettes » de plusieurs avocats – dont Éric Dupond-Moretti. Les « fadettes », c’est simplement les factures téléphoniques détaillées.

L’enquête est classée sans suite fin 2019.


Mais Dupond-Moretti n’acceptera jamais l’intérêt de ses fadettes pour l’enquête. Et c’est là que débute l’affaire autour du Ministre de la justice. Il porte plainte contre le parquet national financier, dénonçant des « méthodes barbouzardes ». En juillet 2020, il est nommé par Emmanuel Macron ministre de la Justice. Il retire sa plainte. Ce serait donc terminé ? Et non.

C’est quelques jours seulement après sa nomination qu’aurait commencé ce que beaucoup qualifient comme une “cabale” contre les magistrats. En tant que ministre, il ordonne immédiatement une enquête administrative sur trois magistrats du PNF chargés du dossier des « fadettes ». Tous les trois seront soit blanchis par le Conseil supérieur de la magistrature, soit jamais poursuivis.


Et ce n’est pas tout. Mediapart révèle que Dupond-Moretti a lancé une autre enquête à son arrivée au ministère, cette fois contre un magistrat qui avait mis en examen un de ses clients. Dupond-Moretti avait à l’époque critiqué ses méthodes de « cow-boy ». Le juge est lui aussi blanchi en 2022. En quelques mois, profitant de sa nouvelle fonction, le ministre a donc lancé des enquêtes contre plusieurs magistrats qui l’avaient contrarié lorsqu’il était avocat. Trois syndicats de magistrats et l’association anticorruption Anticor déposent plainte contre lui, dès décembre 2020.

C’est pour ces soupçons de conflits d’intérêts qu’il est jugé depuis ce matin par la Cour de Justice de la République (CJR). Dupond-Moretti a tenté en vain par tous les moyens d’éviter ce procès.



Mais il ne sera pas jugé comme tout citoyen : la CJR est une instance d’exception, réservée aux ministres en fonction. Une exception qui arrange le gouvernement, puisque 15 juges très particuliers y siègent : 6 députés, 6 sénateurs et 3 magistrats.

Pendant ce temps, le Ministre reste en poste, malgré les risques d’influence et de nouveau conflit d’intérêt. Et comme Mme Borne n’a pas pris de décret d’intérim contre Dupond-Moretti pour la durée de son procès, il bénéficie encore de tous les avantages : voiture de fonction, chauffeur, cabinet mais surtout la prise en charge de ses frais de justice.

C’est donc le contribuable, nous, qui payons sa défense. Impensable.


Nous proposons la suppression de la CJR et que les ministres ne bénéficient pas de ce régime d’exception.

François Hollande avait promis sa suppression. Il n’en a rien fait.

Emmanuel Macron avait lui aussi promis sa suppression. Mais vous vous en doutez, il n’en a rien fait. Voici ce qu’il promettait lors du Congrès à Versailles après son élection.

Il est temps de mettre fin à cette République des copains.

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